mardi 8 mars 2011

La forme

Je disais donc que les informations visuelles qui parviennent au cerveau par le sens de la vue sont traitées à ce niveau essentiellement par comparaison suivant un certain nombre de critères établis progressivement par les civilisations.

Cette comparaison se fait en situant une forme (au sens général du terme) par rapport à des extrêmes :
  • grand par rapport à petit
  • haut par rapport à bas
  • oblique par rapport à horizontal ou vertical
  • gris par rapport à noir ou blanc, etc...

Une forme nouvelle est donc analysée pour en reconnaître les similitudes avec d'autres formes déjà connues et mémorisées. Ces dernières peuvent être des formes simples, schématisées, réduite à des notions de géométrie qui sont les mêmes pour tous (ce qui permet la communication).
Exemple : carré, cercle, rectangle...
Ainsi pour l'exemple de la table rectangulaire on a utilisé la forme standard « table » que tout le monde reconnaît à laquelle on a associé l'idée de « rectangle », elle aussi facilement reconnaissable. On pourrait préciser dans le même esprit : table marron, basse, à roulettes, etc...

Le truc c'est que tout ne se passe pas dans l'esprit humain d'une manière aussi logique et lucide.
De nombreuses associations, déductions, comparaisons se font de manière inconsciente sous forme d'intuition et de sensibilité.
L'expression graphique est donc le fruit d'une association de la réflexion, de l'imagination et de l'intuition.

« La formation du langage plastique se fait par la rencontre de ce que nous conviendrons d'appeler l'objectivité de la nature avec les subjectivités personnelles ».
Luc Joly
dans « structure »
edition IDEA (suisse)

Or, il se trouve que l'Homme fait justement parti de la nature et que, comme elle, il est organisé et structuré. C'est pourquoi, on trouvera des similitudes entre les formes naturelles et les formes créées par l'Homme.

S'il est très instructif de comparer les formes de la nature avec les formes créées par l'Homme, il est tout aussi intéressant de comparer les formes naturelles entre elles.
Pour cela, un certain nombre de critères d'observation peuvent être définis :


Position des formes


Horizontalité
symbole de stabilité, de repos, de quiétude ou de mort.

Verticalité
vers le haut : sens positif, vers le bas sens négatif.

Obliquité
instabilité, déséquilibre, mouvement.


Situation des formes entre elles




Dimension des formes


  • longueur
  • largeur
  • hauteur

Ces dimensions dépendent de la position de l'objet dans l'espace, car (et je ne vous apprend rien) nous sommes influencés par la notion de pesanteur.




Une 4ème dimension : le temps, permet de donner une idée de déplacement ou de croissance des formes :



Ainsi s'établit la progression suivante de 0 à 4 dimensions :




Génération des formes


Le point peut être considéré comme la source d'une génération de formes

Le point qui se déplace engendre une ligne :

La ligne droite qui se déplace engendre un plan (ou surface) :

Le plan qui se déplace engendre un volume :



La psychologie de la forme


C'est à dire l'étude de ce que les formes peuvent évoquer en nous, les réactions qu'elles peuvent susciter dans chaque individu.
Or, justement le pouvoir d'une forme sur cet individu est déterminé par les expériences préalables qu'il a pu avoir durant son évolution, depuis l'enfance : une forme arrondie « pleine » peut suggérer le sein maternel et paraître ainsi une forme douce, agréable.

Par contre une forme constituée de petites lignes brisées très sèches sera qualifiée de « piquante » (allusion à un souvenir désagréable).
Une couleur sera qualifiée de « chaude » ou de « froide » parce qu'on se souvient de s'être brûlé ou d'avoir eu très froid dans une atmosphère de même coloration, ou en touchant une forme colorée ainsi.
Il serait donc illusoire d'essayer de donner une sorte « répertoire psychologique des formes ». Il appartient à chaque individu de déterminer en fonction de son propre vécu ce que lui suggère les formes.

Cependant il existe un certain nombre d'exemple relativement universel qui permettent une direction de recherche :

  • Le point localise
  • la ligne indique une direction
  • la courbe fermée indique la plénitude
  • la courbe ouverte est un plein ou un creux (suivant sa position, n'oublions pas la pesanteur)


  • le carré (ou le rectangle) est stable, évoque l'unité, la force.
  • Certaines formes sont par définition dynamiques, parce que nées de solutions logiques de croissance naturelle comme la spirale ou les subdivisions :

La nature de la forme


Il est indispensable de garder à l'esprit la notion de contraste et d'opposition qui permet de saisir plus vite et d'une façon précise la définition exacte de la forme envisagée.
C'est à dire que pour savoir si une forme est petite on l'opposera à une forme grande, on opposera le lisse et le rugueux, le chaud et le froid, le clair au foncé, etc...


Donner la vie à une forme

« Au lieu d'imaginer les différentes parties du corps comme des surfaces, plus ou moins planes, je me les représentai comme les saillies des volumes intérieurs. Je m'efforçai de faire sentir dans chaque renflement du torse ou des membres l'affleurement d'un muscle ou d'un os qui se développait en profondeur sous la peau.
Et ainsi la vérité de mes figures, au lieu d'être superficielle, semble s'épanouir du dedans au dehors comme la vie même ».
RODIN

Cette idée de comprendre ce qui détermine la forme sous son aspect de surface est des plus importante.
Apprendre à dessiner signifie aussi comprendre ce qui est sous cette carapace visible des choses (et qui en détermine la forme) et ce dans un double but : peut être reproduire la nature (dessin d'observation) avec beaucoup plus d'acuité, mais surtout pouvoir utiliser ces connaissances pour exprimer d'autres idées et rendre son art plus « fort » (dessin d'imagination).




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